Travail des enfants : Le dramatique surplace du Bénin - Équité & Développement

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26 avr. 2019

Travail des enfants : Le dramatique surplace du Bénin

Des enfants travaillant dans une carrière de sable.
Le Bénin a certes, avec l’appui de nombreuses organisations internationales comme l'Unicef, et de la société civile béninoise, engagé d’importantes réformes dans le cadre de la lutte contre l’utilisation précoce des enfants comme main-d’œuvre, dont entre autres la ratification des textes internationaux qui protègent les enfants, notamment la Convention relative aux droits de l’enfant en 1990, la convention 182 sur les pires formes de travail et la convention 138 sur l’âge minimum de travail, la mesure de gratuité des frais de scolarisation dans l’enseignement primaire, etc. Mais ces actions semblent ou restent peu efficaces dans la lutte contre le travail des enfants.


Au Bénin, un grand nombre d’enfants continuent d’être en situation de travail. Mieux, au fil des années, le phénomène prend de l’ampleur. En 2008, le taux des enfants économiquement occupés au Bénin était de 34% selon les résultats de l’Enquête nationale sur le travail des enfants (ENTE) réalisée par l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique (INSAE). Six ans après, soit en 2014, la situation est passée à 52,5% selon l’enquête MICS (Multiple Indicators Cluster Survey) réalisée par la même institution. Ce qui correspond, en 6 ans, à une augmentation de 20%.

Si aucune nouvelle donnée de l’institution en charge des statistiques au Bénin ne permet de connaitre avec beaucoup de précision l’état actuel du phénomène, tout porte à croire que la situation ne s’est pas beaucoup améliorée. Ils sont encore plusieurs milliers d’enfants à se voir dénier leurs droits à l’enfance et à l’éducation pour être placés ou recrutés pour travailler auprès d’un tiers (enfants vidomègon), ou pour travailler dans les champs, familiaux ou non, dans les carrières de concassage de pierres, vendre dans les marchés, etc. D’autres, pour une raison ou une autre, continue d’abandonner très tôt leurs jouets et camarades de jeu pour être employés comme apprentis dans les ateliers de mécanique auto-moto, de vulcanisation, de couture, de soudure, de menuiserie, de ferblanterie, de maçonnerie, de ferraillerie, de plomberie, etc. Des secteurs qui pourtant ont été identifiés comme dangereux ou moyennement dangereux par le Bénin dans sa liste des travaux dangereux interdits aux enfants établie conformément aux recommandations de la convention 182 de l’OIT. Selon les résultats de l’enquête MICS citée plus haut, ils sont 27,3% à travailler dans des conditions dangereuses en milieu urbain et 49,1% en milieu rural.

Et pourtant, un riche arsenal juridique !

Pour la lutte contre l’exploitation économique des enfants, le Bénin dispose d’un arsenal juridique assez riche. D’abord, la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 dispose que « La personne humaine est sacrée et inviolable. L’Etat a l’obligation absolue de la respecter et de la protéger ». D’autres instruments internationaux que le Bénin a reçus dans son arsenal juridique appellent à ce même respect des droits de la personne humaine. C’est le cas par exemple de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui dispose « Tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes formes d’exploitation et d’avilissement de l’homme notamment l’esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, et les peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants sont interdits. » De façon spécifique, la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant à laquelle le Bénin a adhéré, dispose en son article 15, alinéa 1er, que « L'enfant est protégé de toute forme d'exploitation économique et de l'exercice d'un travail qui comporte probablement des dangers ou qui risque de perturber l'éducation de l'enfant ou de compromettre sa santé ou son développement physique, mental, spirituel, moral et social. » L’article 210 du Code de l’enfant voté en 2015 par l’Assemblée Nationale du Bénin reprend presque dans les mêmes termes cette disposition de la charte africaine.

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Par ailleurs, la Loi n° 98-004 du 27 Janvier 1998 portant Code du Travail au Bénin interdit le travail (et l’apprentissage) aux enfants de moins de 14 ans. De même, le Code des personnes et de la famille fixe à 18 ans l’âge minimum pour faire du commerce en République du Bénin. Et la Convention 182 du BIT, adoptée par le Bénin, protège les enfants contre les pires formes de travail des enfants.

S’il est convenu avec le Bureau international du travail (BIT) que briser la vie d’un enfant en l’exploitant économiquement, c’est aussi briser ses chances de s’intégrer dans la société ; si les autorités béninoises sont prêtes à reconnaître, lors des Journées nationales ou internationales dédiées aux enfants, que l’exploitation économique des enfants est une violation flagrante de leurs droits et qu’elle porte atteinte à la dignité humaine, alors pourquoi le phénomène perdure ou, pire, s’accroît ?

L’Etat coupable de ne pas faire assez

Selon l’article 8 de la Constitution béninoise cité plus haut, l’Etat a le devoir de respecter la personne humaine et de la protéger. A partir de là, il n’est pas injuste d’imputer à l’Etat la recrudescence notée dans le travail des enfants. Car, parce qu’il ne fait rien du tout ou n’en fait pas assez, l’Etat béninois se porte complice d’un fléau qui avilit les enfants béninois, porte atteinte à leur dignité humaine et ruine leur vie. A l’étape actuelle des choses, il n’est plus question de se contenter des quelques jours dédiés à aux enfants pour sensibiliser sur le respect des droits à l’enfance et à l’éducation des enfants. L’heure n’est plus également aux quelques actions clairsemées enregistrées ci et là. L’Etat béninois doit véritablement mettre la lutte contre le travail des enfants en particulier et la promotion des droits des enfants, en général, au rang de priorité nationale et se mettre résolument aux côtés des organisations internationales et nationales qui mènent le combat sur le terrain aux fins d’une grande mobilisation contre le fléau. Le trafic humain, notamment celui relatif aux mineurs, doit également constituer une priorité. La convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant ratifiée par le Bénin rappelle à suffisance la responsabilité de l’Etat dans la protection et l’épanouissement de l’enfant.

Jesdias LIKPETE

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