La loi 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin a confié la gestion de l’état civil aux communes. Un des principaux acteurs de ce service rendu proche des populations, le chef de l’arrondissement de Dovi, dans la commune de Zagnanado, Irénée Zodékon apprécie dans cet entretien la situation de l’état civil au Bénin. Il insiste sur les difficultés qu’il rencontre principalement dans son arrondissement et fait quelques propositions pour améliorer ce secteur important mais souffreteux.
Quelle est votre appréciation globale de la gestion de l’état civil au Bénin ?
A l’époque de la colonisation, l’état civil des Africains était détenu par les colons. Le sérieux qui entourait le fichier d’état civil était tel que personne d’autre que celui qui est habilité n’y avait pas accès. Mais après le départ des colons, et surtout à l’avènement de la révolution, ces registres d’état civil n’ont plus été tenus dans les règles de l’art pour des raisons multiples. Premièrement, c’est que ceux-là qui étaient chargés de gérer ces registres n’avaient reçu aucune formation et n’avaient donc aucune notion de la gestion des affaires administratives. Egalement, de nos jours les gens commis à la gestion de l’état civil, appâtés par le gain facile, se laissent aller à la dénaturation des registres. Ce qui fait qu’on remarque souvent que plusieurs personnes peuvent avoir le même numéro au niveau de ces registres. Au moment de retrouver la souche d’une personne dans le registre, on constate que la souche correspondant à son numéro porte le nom d’une autre personne. Par exemple à Dovi, après ma prise de service, il m’a été dit que quatre registres ont disparus. Dans le même temps, des personnes se sont présentées pour avoir des documents liés à leur naissance. Mais, il a été constaté que leur numéro porte le nom d’une autre personne. J’ai été choqué par cet état de chose. Alors, j’ai pris à bras le corps le dossier en responsabilisant le chef service affaires financières qui est aussi le secrétaire administratif de l’arrondissement. Ensemble avec lui, nous avons parcouru les registres un à un pour mesurer toute l’étendue des dégâts et faire le point. Une fois ce point fait, nous avons invité toutes les personnes qui sont dans ce genre de difficultés à se rapprocher de nous pour qu’ensemble nous puissions voir dans quelle mesure corriger le problème. La première idée qui nous est venue a été de prendre par le biais du RAVEC pour établir de nouveau un acte de naissance à ces personnes. Mais, elle n’a pas été vraiment concluante. D’un autre côté, pour corriger le problème des enfants sans acte de naissance, nous avons décidé de prendre le mal depuis la racine. Alors, j’ai réuni toutes les sages-femmes de mon arrondissement afin de les associer à une opération de collecte des fiches de naissance directement à partir des deux centres de santé que compte l’arrondissement. Une fois les fiches convoyées au niveau des bureaux de l’arrondissement, nous procédons à l’enregistrement et à l’établissement des actes de naissance. Après cela, par le biais d’un crieur public, nous invitons les populations concernées à venir retirer les actes.
Est-ce que cela marche, étant donné que l’un des problèmes de l’état civil béninois est le non retrait des actes de naissance par les familles ?
Je peux vous dire que les populations ne viennent pas toujours. Et je vous explique la raison. Pour procéder au retrait des actes de naissance chez nous, vous devez payer une somme de trois cent (300) francs CFA. Cette somme sert au renouvellement des fiches de déclaration de naissance et des registres. Mais à cause de ces trois cent francs CFA, les populations ne viennent pas chercher les actes de naissance. La raison qu’elles avancent souvent est qu’il n’y a pas d’argent. L’autre difficulté que nous rencontrons, c’est qu’il y a des fiches qui ne portent pas le prénom de l’enfant. Les parents donnent seulement le nom et demandent d’abord à se référer à leurs parents ou grands-parents avant d’avoir le prénom. Ils ne reviennent pas après pour compléter les fiches qui nous parviennent en l’état.
Puisque les populations pour défaut d’argent ne viennent pas retirer les actes de naissance de leurs enfants, alors comment faites-vous ?
Nous sommes conscients que les populations n’ont pas toujours d’argent. Et c’est à cause de cela que nous nous sommes rapprochés de certaines ONG et des personnes de bonnes volontés pour qu’elles acceptent prendre en charge les coûts de retrait de ces actes. Notre doléance a été entendue. Une fois, une grande dame de chez nous à travers son ONG a pris en charge la délivrance gratuite des actes de naissance aux populations dans tous les arrondissements de la commune.
Plusieurs élus locaux déplorent le fait que l’Etat ait transféré la gestion de l’état civil aux communes sans l’accompagner des ressources nécessaires à sa prise en charge. Et vous, qu’en pensez-vous ?
Il faut reconnaître que nous sommes dans un processus de transfert progressif. Donc, ce n’est pas encore tard. Mais vous pourrez me dire que nous sommes à plus de dix ans de décentralisation et qu’on ne devrait plus être à ce niveau. C’est peut-être vrai. Mais ce que j’ai à dire c’est que la décentralisation ne devrait pas un prétexte pour que les populations ne contribuent plus à rien. Tout ce qu’on réclame aux parents, c’est deux cent francs CFA pour entrer en possession de l’acte de naissance de leur enfant. Cela ne devrait pas poser de problème dans la mesure où ils ont fait de plus grandes dépenses afin que l’enfant naisse. La somme de deux cent francs CFA ne devrait pas faire défaut. Autrement, je crois que c’est fondamentalement une question de mauvaise foi.
Au-delà de la mauvaise foi que vous soulevez, ne pensez-vous pas que c’est aussi par ignorance que certaines personnes négligent de déclarer la naissance de leur enfant ou de retirer son acte de naissance ?
C’est sûr. C’est pourquoi dans l’arrondissement, nous organisons par trimestre une rencontre avec les jeunes mamans en présence des sages-femmes afin de leur parler de l’importance des actes de naissance. Ces rencontres très importantes pour nous sont rotatives dans les six villages que compte mon arrondissement. Au cours de ces réunions, les élus locaux, les sages et les jeunes sont impliqués parce que nous ne voulons plus voir des gens courir de gauche à droite à la recherche d’acte de naissance ou autres documents au moment de déposer des dossiers pour examen ou concours.
Quelle est votre appréciation globale de la gestion de l’état civil au Bénin ?
A l’époque de la colonisation, l’état civil des Africains était détenu par les colons. Le sérieux qui entourait le fichier d’état civil était tel que personne d’autre que celui qui est habilité n’y avait pas accès. Mais après le départ des colons, et surtout à l’avènement de la révolution, ces registres d’état civil n’ont plus été tenus dans les règles de l’art pour des raisons multiples. Premièrement, c’est que ceux-là qui étaient chargés de gérer ces registres n’avaient reçu aucune formation et n’avaient donc aucune notion de la gestion des affaires administratives. Egalement, de nos jours les gens commis à la gestion de l’état civil, appâtés par le gain facile, se laissent aller à la dénaturation des registres. Ce qui fait qu’on remarque souvent que plusieurs personnes peuvent avoir le même numéro au niveau de ces registres. Au moment de retrouver la souche d’une personne dans le registre, on constate que la souche correspondant à son numéro porte le nom d’une autre personne. Par exemple à Dovi, après ma prise de service, il m’a été dit que quatre registres ont disparus. Dans le même temps, des personnes se sont présentées pour avoir des documents liés à leur naissance. Mais, il a été constaté que leur numéro porte le nom d’une autre personne. J’ai été choqué par cet état de chose. Alors, j’ai pris à bras le corps le dossier en responsabilisant le chef service affaires financières qui est aussi le secrétaire administratif de l’arrondissement. Ensemble avec lui, nous avons parcouru les registres un à un pour mesurer toute l’étendue des dégâts et faire le point. Une fois ce point fait, nous avons invité toutes les personnes qui sont dans ce genre de difficultés à se rapprocher de nous pour qu’ensemble nous puissions voir dans quelle mesure corriger le problème. La première idée qui nous est venue a été de prendre par le biais du RAVEC pour établir de nouveau un acte de naissance à ces personnes. Mais, elle n’a pas été vraiment concluante. D’un autre côté, pour corriger le problème des enfants sans acte de naissance, nous avons décidé de prendre le mal depuis la racine. Alors, j’ai réuni toutes les sages-femmes de mon arrondissement afin de les associer à une opération de collecte des fiches de naissance directement à partir des deux centres de santé que compte l’arrondissement. Une fois les fiches convoyées au niveau des bureaux de l’arrondissement, nous procédons à l’enregistrement et à l’établissement des actes de naissance. Après cela, par le biais d’un crieur public, nous invitons les populations concernées à venir retirer les actes.
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Je peux vous dire que les populations ne viennent pas toujours. Et je vous explique la raison. Pour procéder au retrait des actes de naissance chez nous, vous devez payer une somme de trois cent (300) francs CFA. Cette somme sert au renouvellement des fiches de déclaration de naissance et des registres. Mais à cause de ces trois cent francs CFA, les populations ne viennent pas chercher les actes de naissance. La raison qu’elles avancent souvent est qu’il n’y a pas d’argent. L’autre difficulté que nous rencontrons, c’est qu’il y a des fiches qui ne portent pas le prénom de l’enfant. Les parents donnent seulement le nom et demandent d’abord à se référer à leurs parents ou grands-parents avant d’avoir le prénom. Ils ne reviennent pas après pour compléter les fiches qui nous parviennent en l’état.
Puisque les populations pour défaut d’argent ne viennent pas retirer les actes de naissance de leurs enfants, alors comment faites-vous ?
Nous sommes conscients que les populations n’ont pas toujours d’argent. Et c’est à cause de cela que nous nous sommes rapprochés de certaines ONG et des personnes de bonnes volontés pour qu’elles acceptent prendre en charge les coûts de retrait de ces actes. Notre doléance a été entendue. Une fois, une grande dame de chez nous à travers son ONG a pris en charge la délivrance gratuite des actes de naissance aux populations dans tous les arrondissements de la commune.
Plusieurs élus locaux déplorent le fait que l’Etat ait transféré la gestion de l’état civil aux communes sans l’accompagner des ressources nécessaires à sa prise en charge. Et vous, qu’en pensez-vous ?
Il faut reconnaître que nous sommes dans un processus de transfert progressif. Donc, ce n’est pas encore tard. Mais vous pourrez me dire que nous sommes à plus de dix ans de décentralisation et qu’on ne devrait plus être à ce niveau. C’est peut-être vrai. Mais ce que j’ai à dire c’est que la décentralisation ne devrait pas un prétexte pour que les populations ne contribuent plus à rien. Tout ce qu’on réclame aux parents, c’est deux cent francs CFA pour entrer en possession de l’acte de naissance de leur enfant. Cela ne devrait pas poser de problème dans la mesure où ils ont fait de plus grandes dépenses afin que l’enfant naisse. La somme de deux cent francs CFA ne devrait pas faire défaut. Autrement, je crois que c’est fondamentalement une question de mauvaise foi.
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C’est sûr. C’est pourquoi dans l’arrondissement, nous organisons par trimestre une rencontre avec les jeunes mamans en présence des sages-femmes afin de leur parler de l’importance des actes de naissance. Ces rencontres très importantes pour nous sont rotatives dans les six villages que compte mon arrondissement. Au cours de ces réunions, les élus locaux, les sages et les jeunes sont impliqués parce que nous ne voulons plus voir des gens courir de gauche à droite à la recherche d’acte de naissance ou autres documents au moment de déposer des dossiers pour examen ou concours.
Propos recueillis par Jesdias LIKPETE
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