Actes violents et terrorisme en Afrique de l’Ouest : Les réformes sécuritaires, un impératif ! - Équité & Développement

Flash

Home Top Ad

18 juil. 2018

Actes violents et terrorisme en Afrique de l’Ouest : Les réformes sécuritaires, un impératif !

La récurrence des actes de terrorisme en Afrique de l'ouest appelle des réformes sécuritaires profondes
Les pays de la sous-région ouest-africaine sont devenus la cible de nombreux actes violents au cours de la dernière décennie. Burkina Faso, Mali, Nigéria, Niger, Côte d’Ivoire, et autres, ont tour à tour été frappés par des attaques armées faisant à chaque fois des dizaines de morts, tant civils que dans le rang des forces de sécurité et de défense. Ce phénomène qui jusque-là a épargné le Bénin met les Etats en alerte et introduit de nouveaux enjeux et défis en matière sécuritaire.

18 morts, dont le plus jeune était âgé de 15 ans, et 22 blessés, inclus des enfants. Ce triste bilan de l’attaque, le 13 août 2017, du café-restaurant Aziz-Istanbul situé sur l’avenue Kwame N'krumah de Ouagadougou n’est pas isolé. Un autre café-restaurant, le Cappucino en même temps que l’hôtel Splendid et le bar Taxi Brousse, situé à environ 200 m sur la même avenue a enregistré une attaque à tous égards similaire le 15 janvier 2016 faisant 30 morts et 71 blessés. Au Nigéria, les attaques terroristes de la secte Boko Haram font à chaque fois tout autant de dégâts humains que matériels. La dernière en date est celle de Maiduguri ayant fait 18 morts et plus de 80 blessés. La fréquence de ces attaques ajoutées aux conflits armées internes aux pays font de l’Afrique de l’ouest un théâtre permanent de guerre. En effet, selon l’étude « Système de conflits et enjeux sécuritaires en Afrique de l’Ouest » commanditée par la Gorée Institute de Dakar au Sénégal et réalisée par les chercheurs du Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la Sécurité (GRIP), Marc Memier et Michel Luntumbe, souligne que la plupart des pays de l’Afrique de l’ouest sont confrontés à cinq grands enjeux sécuritaires communs. Il s’agit de : la paix et la sécurité aux frontières ; la criminalité et les trafics illicites (drogues, armes, êtres humains, ressources naturelles) ; le respect des droits de l’homme et la situation humanitaire ; la réforme du secteur de la sécurité (RSS) et les conflits liés à l’exploitation des ressources naturelles. La conséquence de ces différents enjeux est que les Etats où ces phénomènes se font le plus ressentir consacrent une plus grande partie de ses dépenses publiques au secteur de la sécurité au détriment de la fourniture des services sociaux. L’exemple du Niger confronté à la rébellion touareg menée par le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) et les attaques des djihadistes algériens d’Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) est bien patent. Le pays consacre en 2018, 17% de ses dépenses publiques à ce secteur contrairement à l’année 2017 où c’était de 15%.

Se préparer

« Le doux temps de l'insouciance est terminé. Nous sommes obligés d'accepter aujourd'hui qu'à tout moment nous pouvons être agressés », a déclaré le président malien Ibrahim Boubacar Keïta en visite de soutien au pays frère du Burkina Faso après l’attaque du 13 août 2017. Dans tous les pays de la sous-région, ceux ayant déjà connu leur baptême de feu comme ceux dont les populations vivent dans la hantise quotidienne du jour fatidique, les autorités politico-administratives sont conscientes qu’il faut s’apprêter. « La préparation doit être permanente vu que le danger est en train de se rapprocher de notre pays », a souligné le ministre délégué béninois auprès du président de la République en charge de la défense nationale, Fortunée Nouwatin lors d’une adresse à l’intention d’une troupe d’élites de l’Armée Béninoise le 23 mars 2018. Pour le Colonel Fructueux Gbaguidi, Chef d’Etat-Major de l’Armée de Terre du Bénin, les conflits qui ont quitté les rases campagnes pour se transposer dans les centres urbains sont de trois catégories. En premier, il cite les attaques en agglomération avec pour but essentiel de mener une action d’éclat au nom de la religion ou de l’extrémisme ; en deuxième position, il y a les attaques de type Boko Haram assez organisées et concertées puis, en dernier lieu, la plus dangereuse, celles découlant de revendications irrédentistes - mouvement national de revendication d'un territoire occupé par des habitants de même langue ou de même origine ethnique-. Dans tous les cas, précise l’officier supérieur de l’Armée Béninoise, ces conflits aux méthodes peu usuelles ayant pour seul but de faire écho à des causes désespérées impliquent malheureusement la sécurité des populations civiles et celles des couches vulnérables. Partant, « la défense qui se veut efficace doit être élaborée en fonction de la menace. Celle-ci ayant radicalement changé, les modes d’actions pour y faire face doivent être appropriés », déclare le chef d’Etat-Major de l’Armée de Terre du Bénin. Et d’ajouter « C’est pourquoi à ma prise de fonction, j’ai fait de l’instruction et de la préparation des forces une priorité ». C’est donc pourquoi au cours des deux dernières année, l’Armée de Terre du Bénin, pays encore épargné pour les attaques de types terroriste et djihadiste, a changé de tactique d’entrainement en mettant l’accent sur le combat en zone urbaine. « Ce n’est a priori pas notre rôle, mais dans tous les pays où ces attaques ont déjà eu lieu l’armée a été sollicitée. Nous voulons pouvoir répondre promptement quand ce sera le cas », explique le Colonel. Ce défaut d’anticipation a été dénoncé par maintes personnes après l’attaque du Café-restaurant Aziz-Istanbul, ne comprenant pas que des mesures ait été prises pour sécuriser cette avenue, l’une des plus chic de la ville de Ouagadougou, après la sanglante attaque du Cappucino.

Lire aussi : Travail des enfants : Le dramatique surplace du Bénin"

Renforcer la coopération par l’approche stratégico-politique

Pour tous les acteurs, il est une urgence d’apporter une réponse efficace à ces nouvelles menaces, généralement à caractère transnational, qui mettent fortement à mal la sécurité humaine d’un point de vue global. Dans ce cadre, les Etats de l’Afrique l’ouest, en dehors d’actions au plan national, n’hésitent pas à abandonner l’approche nationale et souveraine de résolution des problèmes sécuritaires pour s’engager dans des initiatives régionales ou sous-régionales de lutte contre l’ennemi commun. C’est comme cela que le G5 Sahel et la Force Mixte Multinationale de lutte contre Boko Haram (FNM) ont été mis en place. Pour le premier, il regroupe la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad et a pour mission de renforcer l’action des armées nationales contre les mouvements transfrontaliers des groupes terroristes. Quant à la seconde, elle est créée par les pays membres de la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT) et le Bénin en vue de lutter contre la poussée et les attaques de la secte Boko Haram. Si ces actions de coopération sont fort salutaires du point de vue du renforcement de la lutte contre l’extrémisme violent et les actes connexes, plusieurs experts déplorent leur faible opérationnalité en raison du défaut de mise en œuvre effective des feuilles de route adoptées par les Etats ; ceux-ci plus préoccupés par la satisfaction des besoins nationaux. Dans le cas du FNM, l’expert en questions de sécurité et de défense Aimé Raoul Sumo Tayo, interviewé par le site www.237online.com, relève les difficultés au niveau « des procédures opérationnelles, des problèmes de langue et autres moyens de communication, des égoïsmes nationaux, entre autres ». Selon les spécialistes des questions de sécurité, l’imperfection du renseignement militaire est également un défi à relever. Toute chose que reconnaît le Colonel Fructueux Gbaguidi, Chef d’Etat-Major de l’Armée de Terre du Bénin. « … Boko Haram, Ansar-Dine ou des shébabs qui sévissent d’un pays à un autre, d’une zone à une autre sans qu’on ne puisse dire aujourd’hui où elles frapperont demain », précise-t-il.

Par ailleurs, les mêmes experts fustigent l’absence de lois de programmation militaires et sécuritaire au niveau des pays africains. Et lorsqu'elles existent, celle-ci n’intègre pas les dépenses liées à la lutte antiterroriste du fait du caractère nouveau et évolutive du phénomène. D’où la nécessite pour les autorités politique en plus de la lutte contre la pauvreté, principal ferment de la radicalisation observées dans les pays, de s’approprier la quintessence des nouvelles menaces et de les intégrer dans les différentes politiques.

Pour le président Ibrahim Boubacar Keita, la réussite de la lutte contre les menaces sécuritaires au niveau de l’Afrique de l’ouest implique une promptitude d’actions. « Que chacun de nous fasse preuve de la plus grande vigilance » a déclaré le président malien toujours lors de sa visite à Ouagadougou après le drame du 13 août 2017 au Café-Restaurant Aziz-Istanbul.

Jesdias LIKPETE

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire